Histoire de la commune de Mortain

Mortain était une ville importante au Moyen-Âge. Située sur l’une des nombreuses routes qui mènent au Mont Saint-Michel, la ville permettait aux pélerins venant de l’est, d’apercevoir le Mont, rebaptisé Montjoie ou Mont du Bonheur.

Avant l’époque des invasions normandes, qui ont débuté vers l’an 800 sur le Royaume de France, on ne trouve aucune trace écrite qui prouve l’existence de Mortain. Pourtant, son nom gallo-romain, Moritolum en latin, laisse à penser que la ville fut fondée à l’époque romaine. Ce n’est qu’à partir du milieu du XIè siècle que la ville est mentionnée pour la première fois en tant que château, et en tant que comté.

L’Histoire de la ville de Mortain est intimement liée avec celle du duché de Normandie et celle du futur roi d’Angleterre Guillaume le Conquérant, né Guillaume le Bâtard, demi-frère de Robert de Mortain, deux sujets qui ont contribué de manière importante aux conquêtes normandes au cours du XIè siècle. Au cours de cette période, Mortain est au centre de toutes les attentions en raison de sa position stratégique et de la confiance réciproque qu’ont les deux demi-frères l’un envers l’autre. Situé dans les hauteurs, dominant à pic la vallée de la Cance et, protégé côté ville par un fossé, un étang, des écueils naturels et un pont-levis, le château, d’abord édifié en bois dès le Xè siècle puis dans des matériaux plus solides – le grès armoricain et le quartzite – durant le XIè siècle, ses fortifications et le comté de Mortain sont un rempart contre le duché voisin et frontalier, la Bretagne, de plus en plus hostile.

Mortain au Moyen-Âge

Robert de Mortain, du comté à la conquête de l’Angleterre

Robert de Mortain, fils cadet d’Herluin de Conteville et d’Arlette de Falaise, est né aux environs de l’année 1038, en plein féodalisme, près d’un siècle après le rattachement de la région à la Normandie. En effet, en 933, la Normandie vit son territoire s’agrandir avec l’annexion de nouvelles régions par Guillaume Longue Épée, probable fondateur du château de Mortain au Xè siècle : l’Avranchin, le Cotentin et certaines îles Anglo-Normandes. Le comté de Mortain comprenait de vastes territoires : sa juridiction s’étendait sur presque l’actuel département de la Manche et une partie de l’Orne et du Calvados, soit grossièrement à partir de La Haye du Puits, Villers-bocage, Aunay sur odon, Agentan, Flers. Ces territoires appartenaient jusqu’alors aux Bretons. La France ne ressemble pas encore à celle que l’on connaît aujourd’hui. L’empire de Charlemagne, qui succédait au règne des rois francs, s’affaiblit peu à peu. Le pouvoir passe alors aux mains d’une nouvelle dynastie née d’une nouvelle aristocratie : les Capétiens. Plus que jamais, la France est un royaume divisé en duchés (Normandie, Bretagne, Aquitaine, Bourgogne…) et en comtés (Flandres, Artois, Champagne…), qui composent les fiefs du roi de France.

Arlette de Falaise était également la mère de Guillaume de Normandie, dit le Conquérant, et d’Odon de Bayeux, deux personnages historiques qui participèrent à la conquête de l’Angleterre, au même titre que Robert de Mortain.

Vers 1048-1049, le duc Guillaume fit de Robert le comte de Mortain en lieu et place de Guillaume Warling de Normandie, petit-fils du duc Richard 1er et donc un cousin qui fut banni par Guillaume, lequel commença à douter de sa loyauté. L’objectif de Guillaume le Conquérant : sécuriser la frontière sud de la Normandie en protégeant les frontières avec la Bretagne. C’est pourquoi il fait appel à un homme de confiance en la personne de Robert.

Lorsque Guillaume le Conquérant décida d’envahir l’Angleterre en 1066, il invita ses demi-frères, parmi lesquels Robert de Mortain et Odon de Bayeux, à le rejoindre dans la bataille. Des notes manuscrites affirment que Robert délivra près de 120 navires à la flotte maritime de Guillaume le Conquérant. 

Après son couronnement en 1066, Guillaume le Conquérant prétendit désormais que toutes les terres anglaises lui appartenaient. Il garda 1/5è de ces terres pour lui et redistribua le reste aux hommes qui l’aidèrent lors de la bataille d’Hastings.

Après la bataille d’Hastings, Robert devint l’une des personnalités les plus influentes de la cour ducale. Devenu comte de Cornouailles, il possédait plus d’un millier de manoirs. Selon la légende, la cour du comte Robert de Mortain eut la réputation d’être la plus brillante de toute l’Europe. Il pacifia la Northumbrie d’où la plupart des experts pensent qu’il ramena le fameux « chrismale », fleuron du trésor de la collégiale.

En 1082, cet illustre personnage ordonna l’édification de la collégiale Saint-Évroult (les travaux durèrent onze ans), puis, quelques années plus tard, il fonda le collège de Mortain, l’un des plus anciens de France. Pour protéger ces fondations, ainsi que la petite ville en pleine expansion, celle-ci s’entoura de remparts. De fait, il fallait relier le château citadelle à une ville close dont l’enceinte formait un vaste rectangle comportant deux portes fortifiées (Bourglotin et Planche-Majotin), quatre tours d’angles et plusieurs autres sans doute tout au long des remparts.

En 1106, le comté de Mortain tomba aux mains des anglais lors de la bataille de Tinchebray. L’occupation anglaise dura jusqu’en 1204. Henri 1er Beauclerc fit démolir une grande partie de l’enceinte fortifiée et en septembre 1212, Philippe Auguste vint faire le siège de cette citadelle qui fut prise en quatre jours sans trop de dégâts.

A l’extinction de la maison de Boulogne, Saint Louis rattacha Mortain directement à la Couronne, puis vint la guerre de Cent ans. Charles le Mauvais, ennemi du roi de France, était devenu comte d’Evreux et de Mortain. Il renforça les défenses mais, en 1355 le Traité de Volognes le redonna à Jean Le Bon. Le parti royal dut le reprendre en 1378 sans trop d’effusion de sang.

En 1418, les Anglais s’emparèrent de toute la Normandie sauf le Mont, et la reconquête passait forcément par Mortain où cette fois (en 1449), ce fut plus rude.
Le Traité de Formigny ramena la paix, les murailles avaient sans doute souffert et il n’est plus question de château dans l’histoire.

Mortain aux Temps Modernes

Le 6 mars 1562, l’attaque des Huguenots mit plutôt à mal la ville, surtout la collégiale. Au XVII ème siècle, le pouvoir Royal délaissa les forteresses qui se dégradèrent rapidement.

Mortain au XIXè siècle

La période révolutionnaire fut relativement calme, à l’exception d’une attaque des chouans le 24 décembre 1795 (18 tués chez les royalistes), repoussée par une vaillante garnison républicaine.

On sait que le donjon fut abattu en 1792, et que la dernière tour dite « des archives » tomba en 1838.

Le XIXè siècle a vu passer quelques artistes dans le Mortainais : Géricault, Coro, Courbet, Pelouze y ont peint ; Barbey d’Aurevilly y a séjourné. En 1877 est né à Mortain Henri Breuil, futur abbé, et « pape » de la préhistoire.

Mortain lors de la Seconde Guerre Mondiale

En août 1944, se déroulèrent des combats qui comptent parmi les plus acharnés de la dernière guerre. L’histoire en a été écrite par le docteur Gilles Buisson.
Dans le langage militaire, « hill 314« , ou cote 314, désigne le plateau à l’est de Mortain, situé à cette altitude. Lors de la contre-offensive allemande du 6 août 1944, qui devait provoquer un combat de six jours pleins, l’état-major américain considéra ces hauteurs comme la clé de voûte de tout le système défensif. Le colonel Birks, commandant le 120è régiment d’infanterie, insista sur leur importance, déclarant qu’elles devaient être défendues coûte que coûte en toutes circonstances. Un groupe occupa les Rochers de la Montjoie et la lande voisine ; un autre, la colline Saint Michel, à l’ombre des sapins.

L’Etat-Major a résumé ces journées dans la page d’histoire qui motive l’octroi au 2è bataillon, à la compagnie K et à la 2è section de la compagnie anti-chars du 120è d’Infanterie de la fourragère de l' »Unit distinguished citation« .
Voici un extrait du document historique, appelé par les Américains « Citation présidentielle », publié le 8 janvier 1945 par un ordre du jour du Ministère de la Guerre :

Le 2è bataillon du 120è Régiment d’Infanterie est cité pour la façon remarquable dont il a accompli son devoir. Le 6 août 1944, le 2è bataillon du 120è RI occupait des positions défensives sur la cote 314 qui commandait des voies importantes d’approche et de ravitaillement. Le succès des batailles alliées de percée en Normandie dépendait de la conservation de ce point vital de terrain. Les ordres indiquaient au bataillon de tenir la cote à tout prix. Le 7 août 1944 les Allemands lancèrent la première d’une série de dangereuses contre-attaques où ils engagèrent de grosses forces d’artillerie et de chars dans une tentative violente et désespérée pour couper les forces alliées progressant en Bretagne de celles de Normandie.Dans l’attaque initiale, les troupes ennemies atteignirent Mortain et encerclèrent complétement la cote 314, isolant le 2è bataillon du 120è RI. Des attaques répétées furent repoussées dans des combats acharnés. Pendant le siège qui s’ensuivit la pression ennemie ne se relâcha pas ; les vivres et les munitions étaient faibles et les produits médicaux furent vite épuisés en raison des lourdes pertes subies. Deux tentatives pour approvisionner par air les hommes isolés ne rencontrèrent qu’un succès partiel, la plupart des approvisionnements tombant dans les lignes ennemies. Une tentative désespérée fut faite pour envoyer des produits médicaux par l’artillerie; une partie de ces envois atteignit le bataillon. Les demandes de rédition furent rejetées. Menaçant d’anéantir, l’ennemi lança une nouvelle et violente attaque avec de grosses forces de chars,attaques qui furent repoussées avec succès par l’héroïque bataillon, mais au prix de lourdes pertes. A la nuit des infiltrations ennemies attaquant sous le couvert de l’obscurité furent repoussées. De jour, le bataillon repoussa de nombreuses pénétrations ennemies et subit d’effrayants bombardements aériens ainsi que des tirs concentrés d’artillerie. bien que le bataillon ait subi de lourdes pertes et ait eu à supporter le manque d’eau, de vivres et de médicaments, il demeura ferme dans sa défense de la cote 314. Les hommes conservèrent le terrain avec ténacité et malgrè les dures attaques en refusèrent aux Allemands l’accès stratégique. Les pertes subies furent importantes mais celles qu’il infligea à l’ennemi en hommes et en matériel furent très considérables. Par son héroïque résistance le 2è bataillon a empêché l’ennemi de couper nos forces de Normandie de celles de Bretagne. L’inébranlable fidélité au devoir et le magnifique courage déployés par chaque soldat du bataillon sont l’image des plus hautes traditions des forces armées« .

Il faut suivre dans les travaux du Docteur Gilles Buisson les détails de ces dramatiques journées. En voici l’épilogue : Les combats autour de la cote 314 devaient se traduire par de grosses pertes, non seulement du côté allemand mais aussi du côté américain. Des 950 hommes que comptaient le bataillon et les unités adjointes, 376 seulement répondirent à l’appel. Ces survivants avaient fourni au cours de ces six longues nuits un effort surhumain. « Aussi le nom de Mortain reste fortement gravé dans la mémoire des soldats du 120è Régiment d’Infanterie« , écrivait en 1948 le lieutenant Woody.

L’histoire de la ville de Mortain vous intéresse ? Poursuivez votre lecture avec l’un des nombreux ouvrages d’un natif de la la commune de Mortain, Hippolyte Sauvage, écrivain, historien, bibliographe et juge de paix au XIXè siècle.

Revue historique, archéologique et monumentale de l’arrondissement de Mortain (édition 1881). Tome 1. Hippolyte Sauvage.

Quelques unes des origines féodales du comté de Mortain (édition 1896). Hippolyte Sauvage.

Mortain pendant la Terreur (édition 1898). Tomes 4-6. Hippolyte Sauvage.

Contes et légendes de Mortain

La légende du Pont du Diable

A proximité de la ville de Mortain, à mi-chemin entre Romagny et Le Neufbourg, se trouve un pont connu sous le nom de Pont du Diable. Il existe de nombreux ponts du diable, qui tirent leur nom des légendes qui les entourent. On les trouve principalement en Normandie, et beaucoup d’entre eux sont liés à la même légende intrigante. On dit que le diable aurait aidé les habitants à construire un pont, généralement en pierre.
Un exploit, une innovation architecturale ou les mystères de la magie noire ?

La légende du Rocher de l’Aiguille

A proximité de la grande cascade de Mortain se trouve un imposant monolithe connu sous le nom de Rocher de l’Aiguille. Au Moyen-äge, les villageois pensaient que cet endroit était habité par des fées.

Lors de votre passage à Mortain, rendez-vous au pied de l’Aiguille de la Cance. Une fois sur place, regardez attentivement cet imposant bloc de pierre ! Vous verrez qu’il est fait de quartz et qu’il est si fin qu’il est facile de croire qu’il est magique.

Aujourd’hui, cet énorme rocher est surtout apprécié des grimpeurs et férus d’escalade.

La légende du Pas du Diable

Au Moyen-Âge, on racontait souvent que des figures célestes descendaient autrefois sur Terre, ce qui a donné lieu à une multitude de légendes.

La légende du Pas du diable est tirée du récit de la bataille entre le démon Belzébuth et Saint Michel Archange.

Dans les environs de Mortain, vous pourrez non seulement en apprendre davantage sur l’histoire de cette bataille mais aussi observer l’empreinte laissée par le diable lorsqu’il fut vaincu par Saint Michel Archange.

Les Gobelins de la Manche

Les gobelins sont de petites créatures magiques, des esprits de la nature qui se transforment en animaux inoffensifs le jour et en elfes la nuit. Chez les celtes, on les nomme lutins. On dit que la nuit, si vous écoutez attentivement, vous pouvez entendre le bruit des portes qui claquent et de la vaisselle qui se brise dans certaines parties de la Manche.

Il se dit également qu’il existe différentes sortes de gobelins et que, contrairement à la croyance populaire, ces elfes sont considérés comme plus espiègles que mauvais. La légende la plus connue est celle du gobelin du fort d’Omonville-la-Rogue. L’histoire raconte qu’une fille s’est liée d’amitié avec lui et qu’il lui jouait des tours.

Une autre légende raconte qu’un lutin aurait élu domicile dans un souterrain qui se situerait au pied de l’ancien château de Mortain.

Contes et légendes de Normandie

D’autres histoires magiques et féériques peuplent les terres de la Manche en Normandie.

Parmi elles, citons tout d’abord la légende de Gargantua, le héros du roman de Rabelais, écrivain français du 16è siècle. Son géant mythologique aurait passé quelque temps en Normandie. Plusieurs des récits qui le concernent expliquent certaines des formations rocheuses et des paysages inhabituels et étranges de la région.

L’histoire raconte que Gargantua s’est soulagé du haut des falaises de Carolles, formant la baie du Mont Saint-Michel et y créant des marées.

Une autre histoire raconte qu’un jour, il a jeté trois énormes rochers dans la mer afin de pouvoir traverser la baie sans se mouiller les pieds. Aujourd’hui, ces îlots de granit sont connus sous les noms de Tombelaine, Mont Saint-Michel et Mont-Dol.

Dans un autre récit, le géant, qui s’apprêtait à marcher sur Jersey à une enjambée de Besneville, fut distrait par une pierre coincée dans sa botte. Lorsqu’il secoua sa botte, la pierre échut sur le rivage et forma aujourd’hui une colline, connue sour le nom de Mont de Besneville.

Outre la légende de Gargantua, de nombreuses autres légendes jonchent la Normandie, celles des Grottes de la Manche notamment. En voici deux exemples :

  • les grottes de Jobourg : difficiles d’accès, ces grottes aux couleurs étranges et aux sons inquiétants sont à l’origine d’une imagination débordante.
  • La légende du Trou Baligan à Flamanville est typique des mythes et légendes fantasmagoriques qui subsistent dans la Manche. L’histoire raconte que dans cette grotte vivait un dragon qui quittait chaque jour son repaire pour aller chercher et manger des enfants. Les villageois, horrifiés, décidèrent de faire venir du village, chaque jour, un enfant en sacrifice. Un jour, un évêque du nom de Saint Germain terrassa le dragon, qui se transforma en pierre.

Enfin, parmi les nombreuses légendes que compte la Normandie, on dénombre de nombreux récits de sorcières qui ont foisonné dans l’imaginaire collectif de cette région de la France. A ce sujet, il est dit qu’il y eut autrefois dans la Manche, un grand nombre d’événements, tantôt suspects, tantôt magiques, qui relataient des cas de mystérieuses guérisons, en particulier au milieu du 17ème siècle. La plus connue est l’histoire de Marie Bucaille, accusée de sorcellerie et surnommée la Sorcière de Cherbourg.

Par ailleurs, dans le Cotentin, on observe, pendant de nombreuses années, la présence d’un festival de la sorcellerie qui se déroula dans le village de La Haye-du-Puits, événement qu’on célèbre encore aujourd’hui lors de la « Soirée sorcellerie » organisée par l’office de tourisme local.